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FERMES AUBERGES ET VACHES VOSGIENNES

FERMES AUBERGES ET VACHES VOSGIENNES

Voici (à nouveau) un double article intéressant, paru dans les quotidiens régionaux ‘‘L’Alsace’’ et ‘‘Les Dernières Nouvelles d’Alsace’’, sans doute le 31/03/2023. Je le partage ici, avec la complicité de mon amie cernéenne Mary Funyo qui m’a transmis tout cela en version numérique, compatible avec le blog. Textes et photos sont signés de leurs auteurs. Bonne lecture : temps de 5 à 7 mn env.

FERMES AUBERGES ET VACHES VOSGIENNES

La photo ci-dessus : la ferme-auberge du Molkenrain est connue pour ses vaches Salers. (Photo-montage LTD RANDO 68 Pierre Brunner)  

50 ANS DES FERMES-AUBERGES : LA TRADITION MARCAIRE PRÊTE À AFFRONTER L’AVENIR

À l’occasion des 50 ans de la création des fermes-auberges, fêtés ce week-end à Colmar, Serge Sifferlen, président de l’Association des fermes-auberges du Haut-Rhin, présente les défis qui attendent celles-ci pour les 50 prochaines années. Propos recueillis par Grégoire Gauchet.

FERMES AUBERGES ET VACHES VOSGIENNES

Photo ci-dessus : Serge Sifferlen est le président de l’Association des fermes-auberges du Haut-Rhin. (Photo archives DNA)

Qu’est-ce qu’un fermier aubergiste aujourd’hui ?

Nous sommes avant tout des paysans, c’est important de le rappeler. Les fermes-auberges sont nées à la fin du 19è siècle avec l’apparition du Club Vosgien et des randonneurs qui s’arrêtaient dans les marcairies, là où demeuraient les troupeaux et où le lait et le munster étaient produits. En 1971, autour de Jean Wehrey, un petit groupe de paysans s’est retrouvé à Colmar, sous l’égide de la Chambre d’agriculture, pour créer l’association et poser un modèle de qualité face à certaines pratiques. Notre charte stipule notamment que ferme et auberge forment un tout et qu’au moins 50 % des produits servis proviennent de l’exploitation. C’est un métier multifacette qui faire vivre sa famille grâce à la bonne valorisation de la production, laitière et autre.

Comment évolue le métier ?

La jeune génération n’a plus le même rapport au travail que nous avions il y a trente ans. Aujourd’hui, nous avons tous deux jours de fermeture dans la semaine, ce qui était impensable autrefois quand l’objectif était d’accueillir toujours plus de monde. L’époque des grandes fermes-auberges, comme celles du Steinlebach ou du Schmargult [qui n’en sont plus, N.D.L.R.], est révolue. On revient sur un schéma familial. La tendance s’est accentuée après le Covid : les fermes-auberges n’ont pas remis toutes les tables, on privilégie désormais le confort de travail, la convivialité et la qualité de l’accueil. C’est moins de chiffre d’affaires, mais c’est aussi moins de charges, et cela s’équilibre.

À quels défis devront faire face les fermes-auberges pour assurer leur avenir ?

Le premier d’entre eux est le renouvellement des générations, la transmission de nos entreprises. Plus c’est grand, plus c’est compliqué. Nous devons aussi faire face à une complexité administrative croissante qui amène une charge supplémentaire de travail et la nécessité de passer parfois par des prestataires. On espère une simplification. Nous devons aussi pérenniser les outils de proximité comme l’abattoir de Cernay, grâce auquel les fermes auberges sont de plus en plus nombreuses à proposer une alternative au traditionnel repas marcaire, et les charcuteries, avec lesquelles beaucoup d’entre nous travaillent.

FERMES AUBERGES ET VACHES VOSGIENNES

Photo ci-dessus : la ferme-auberge du Schafert. (Photo archives DNA)

Quid de l’adaptation au réchauffement du climat ?

Elle pose la question essentielle de l’eau, indispensable pour les animaux, la clientèle, les sanitaires et le nettoyage des étables. Certaines fermes ont de bonnes sources, d’autres se tarissent. Lors de notre assemblée générale, le préfet a annoncé travailler sur deux réserves d’eau en montagne. Trois exploitations, le Kohlschlag, le Kahlenwasen, le Rothenbrunnen, font l’objet d’un travail avec le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges (PNRBV) pour réduire leur consommation. La région Grand Est va adopter un plan de soutien à l’agriculture de montagne avec un volet eau prévoyant un diagnostic pour chaque ferme.

La pousse de l’herbe aussi est impactée. On envisage d’aménager des petites retenues, comme cela se fait en Autriche, et des rigoles dans les prés comme les anciens le faisaient. Si on veut encore produire du fourrage dans vingt ans, il faudra peut-être aussi irriguer par endroits, comme cela se fait dans le Sud-Tyrol. Nous souhaitons par ailleurs que les dates d’autorisation de fauche prévues par les mesures agro-environnementales soient réadaptées pour être compatibles avec la fabrication d’un fromage de qualité.

Concernant la partie auberge et accueil du public, qu’est-ce qui va changer ?

On a lancé en 2018 une enquête sur la ferme-auberge du futur et demandé aux gens comment ils nous voient dans trente ans. Beaucoup de jeunes nous ont dit : « Ne changez pas grand-chose ». On est aimés pour le dépaysement, la déconnexion qu’on procure, à quelques dizaines de minutes de la ville. Paradoxalement, on nous demande aussi plus de Wi-Fi. Il y a aussi une demande de davantage d’espaces ludiques pour les enfants, et aussi de découverte. Sur cet aspect, pour les 50 ans, des balades accompagnées avec le PNRBV et le Club Vosgien, suivies d’une dégustation, seront proposées cet été au départ de neuf fermes-auberges.

LA VACHE VOSGIENNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Qui dit fermes-auberges dit vaches vosgiennes. L’occasion de faire le point sur l’adaptabilité de ces bovins face aux changements climatiques avec Florent Campello, président du syndicat des éleveurs de la race vosgienne. Par Françoise Marissal.

FERMES AUBERGES ET VACHES VOSGIENNES

Photo ci-dessus : Florent Campello, éleveur à Mittlach, est le président de l’association des éleveurs de la race bovine vosgienne du Haut-Rhin. (Photo ‘‘L’Alsace’’ Hervé Kielwasser)

Des chaumes grillés par le soleil, des sources qui se tarissent, une température aussi élevée que dans le sud de la France… Les vaches vosgiennes pourront-elles encore tenir sur les crêtes avec le changement climatique ? Pour Florent Campello, président de l’association des éleveurs de la race bovine vosgienne du Haut-Rhin, la réponse est oui.

Les atouts de la rusticité

« Ces quinze dernières années, nous avons pu voir ses capacités d’adaptation grâce à sa rusticité », observe l’éleveur de Mittlach. C’est cette rusticité qui lui permet de pouvoir manger des myrtilles et des broussailles, se déplacer loin et garder sa production de lait quasiment stable, même quand la température monte. « C’est plutôt à nous, humains, de changer nos pratiques culturales. On ne peut pas demander uniquement à l’animal de s’adapter ! », lance Florent Campello.

Ainsi, il faudra sans doute transhumer de plus en plus tôt si les hivers doux avancent la pousse de l’herbe sur les hauteurs. Ou encore organiser de façon plus étudiée la rotation des pâturages, selon l’avancée de la pousse de l’herbe, son taux d’humidité…

La génomique à la rescousse

Ce qui n’empêche pas de faire appel à la science. « La race vosgienne est la seule au monde dont chaque individu issu d’insémination artificielle a son génome décrypté. » Qui pourrait l’imaginer quand on voit les vosgiennes paître sur les hautes chaumes dans cette image qui fait le bonheur des randonneurs et touristes ? Pas mécontent de son petit effet, Florent Campello sourit : « Avec 11 000 bêtes, il est certain que c’est plus facile qu’avec les millions de Prim’Holstein… »

Plus précisément, le but est de comparer les ADN des vaches afin de déterminer les traceurs qui permettent à certaines d’être plus résistantes à la chaleur que d’autres. En somme, il s’agit de sélectionner les plus aptes pour la reproduction, comme les agriculteurs le font depuis des siècles, mais beaucoup plus rapidement.

Concours à Colmar

Une trentaine de vaches vosgiennes participeront au concours départemental du Haut-Rhin ce week-end au Parc des expositions, à Colmar, à l’occasion de la fête des 50 ans des fermes-auberges. Cette compétition n’avait plus été organisée depuis 2015.

Le concours aura lieu ce samedi 1er  avril de 17 h à 21 h et les championnes seront présentées ce dimanche 2 à 15 h. Cinq sections seront présentées : laitière, allaitantes avec leur veau, etc. Un prix de « l’ambassadrice des montagnes haut-rhinoises » sera décerné à celle qui représente le mieux les caractéristiques typiques : petite, trapue, bande blanche sur le dos, tête mouchetée, œil ourlé de noir…

FERMES AUBERGES ET VACHES VOSGIENNES

Photo ci-dessus : la rusticité des Vosgiennes leur permet de s’adapter plus facilement que des races plus classiques au réchauffement du climat. (Photo ‘‘L’Alsace’’ Vincent Voegtlin)

Climat de type cévenol

L’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) a commencé ce travail il y a une dizaine d’années avec l’organisme de sélection de la race bovine vosgienne. Cette première étape est effectuée, la deuxième sera la comparaison des ADN une fois le financement obtenu.

Un travail d’autant plus crucial que les prévisions à l’horizon 2050 - c’est-à-dire demain - pour le massif sont celle d’un climat de type cévenol. Entre sa rusticité et ce travail génomique, la race devrait donc pouvoir s’adapter à cette nouvelle donne sans trop de dommages. Et heureusement, car que seraient les Hautes Vosges sans les vosgiennes ?

Le problème du fourrage

Le problème des étés caniculaires est moins l’animal en lui-même que son alimentation. Car il devient de plus en plus difficile de faire du regain pour stocker du fourrage. Florent Campello craint qu’à l’avenir les éleveurs ne puissent plus faire qu’une seule fauche, au printemps. Certains ont « réglé » le problème en vendant une partie de leur cheptel, causant « une perte de 450 laitières en quatre ans ». Moins de bêtes, c’est toujours ça de fourrage économisé pour les autres. En acheter alors ? Cela a un coût, que les éleveurs ne peuvent se permettre d’assumer.

Pour Florent Campello, il y aurait un moyen local et peu coûteux d’avoir plus de fourrage, mais politiquement épineux : diminuer les dégâts de gibier pour permettre aux prairies de se développer normalement et nourrir le bétail. « Nous avons toujours en moyenne 40 à 45 % de perte de fourrage à cause des dégâts de sangliers et de cervidés. À certains endroits, c’est 90 %…» La solution est simple : chasser plus de gibier. « Cela fait des années que nous le demandons, mais rien ne bouge », grince l’éleveur. C’est dire combien le sujet est délicat…

FERMES AUBERGES ET VACHES VOSGIENNES

Photo ci-dessus : que seraient les Vosges sans les vosgiennes ? (Photo ‘‘L’Alsace’’ Vanessa Meyer)