Souvenons-nous de l’intitulé de ce blog : LTD = Lauch-Thur-Doller, alors à tout seigneur tout honneur, comme dit le proverbe ! La Lauch est la rivière de la vallée de Guebwiller, encore appelée Florival (vallée des fleurs). Nous partons à la découverte de sa source, mais ce n’est guère facile !
Sur certains documents (par exemple sur le site Tourisme-Alsace), il est indiqué que la Lauch prend sa source dans le lac de même nom, mais ce n’est pas exact. Le lac de la Lauch, altitude 942 m, est situé en contrebas de la station du Markstein (1), dont il alimente d’ailleurs les canons à neige.
Le lac de la Lauch, en direction du Marstein, dont on distingue les pistes de ski et l’hôtel Bellevue.
Plusieurs ruisseaux (une demi-douzaine sans doute) coulent vers cette ancienne et naturelle cuvette tourbeuse, marécageuse même, dont l’origine glaciaire, 10 000 ans en arrière, est bien établie, et qui fut transformée en lac artificiel, à la fin du 19ème siècle (2), pour les besoins de l’industrie et de l’irrigation, et aussi pour tenter de régulariser le débit de la rivière. Les trois plus importants ruisseaux sont :
Il est difficile de remonter à pied le cours du Lauchenbachrunz en partant du lac : la pente est forte (près de 300 m de dénivelé), et l’environnement forestier et/ou tourbeux rend la progression presque impossible. Mieux vaut partir d’en haut : on trouve sur internet que la source n’est pas très loin du col d'Hahnenbrunnen (5), lui-même sur le GR5 et à une altitude de 1 280 m. La voiture s’impose, et permettra de s’en rapprocher davantage, car cette localisation est encore une fois erronée !
Accès :
Monter la D 430 (vallée de Guebwiller) jusqu’au Markstein, alt 1 266 m. On peut aussi accéder au Markstein depuis Kruth et la vallée de la Thur (prendre la D 27, à droite au lac de Kruth-Wildenstein), ou depuis le Grand Ballon (D 431). Au Markstein, continuer la Route des Crêtes (D 430), en direction du Col de la Schlucht.
Trois kilomètres après, prendre à droite (D 27), direction Metzeral. On passe près du sommet Breitfirst (6), altitude 1 208 m : la forêt et les chaumes se disputent le terrain, les Français et les Allemands aussi dans une histoire encore récente.
Dépasser le secteur du Breitfirst : moins d’un kilomètre après, on verra sur la droite un poteau portant de nombreux panneaux d’itinéraires du Club Vosgien, et un parking en forme d’anneau, où on laissera la voiture. Il y a là un panneau de l’Office National des Forêts sur les chaumes du Lauchenkopf, mais rien sur la source de la Lauch ! Suivre à pied l’itinéraire repéré par un « X bleu », direction col d’Oberlauchen : on passe une barrière, marquant le début de la forêt domaniale de Guebwiller (réserve biologique domaniale) et du Chemin des Américains. Juste derrière, un grand panneau explicatif, un peu ancien mais protégé par un petit toit, nous souhaite la bienvenue, avant de distinguer, entre 700 et 1360 m d’altitude, la zone de réserve biologique intégrale, et la zone de réserve biologique dirigée (voir ci-dessous la ZNIEFF) : on trouve ici le cerf, le chamois et le faucon pèlerin.
En arrière de ce panneau et légèrement sur la droite, un sentier descend en dévalant dans la forêt : c’est pour nous !
Très vite, on entend sur notre gauche le clapotis de l’eau : bien qu’il n’y ait aucun panneau sur le terrain, et on est en droit de le regretter, nous sommes à la source de la Lauch. La source ? Disons plutôt les sources ! Plusieurs filets d’eau sortent de terre, dans l’herbe ou dans des trous dissimulés par des branches mortes. Une centaine de mètres en contrebas, un autre ruisseau rejoint le premier depuis la droite, et voilà la Lauch qui entame son voyage !
Le sentier du départ est devenu un chemin : à la première intersection, prendre le chemin qui part sur la gauche (on passe le premier pont sur la Lauch). On marche dans une forêt « primaire » de feuillus, des hêtres sans doute, le sol étant recouvert de myrtilliers. Un peu avant de rejoindre le col d’Oberlauchen, on longe les chaumes de même nom.
Les chaumes d’Oberlauchen, avec une zone tourbeuse au 1er plan, la vue étant en direction du Markstein.
Une courte montée débouche au col d’Oberlauchen, alt 1 211 m, qui est un carrefour d’itinéraires (le GR 532 y passe) : prendre sur la gauche le chemin « X bleu », direction Hahnenbrunnen, qui nous ramène sans effort au point de départ.
Sur la carte ci-dessous, à partir de la Route des Crêtes puis du Breitfirst, on trouvera :
Le petit circuit proposé (env 2,5 km) s’effectue en moins d’une heure, compris les arrêts pour découvrir les sources (en quittant le chemin), apprécier le paysage (forêt et chaumes), s’orienter au col d’Oberlauchen, et naturellement lire les différents panneaux.
La source :
Essayons d’être précis : la Lauch prend sa source sur les pentes du massif du Breitfirst (alt 1 208 m) et du Lauchenkopf (7) (1 314 m), vers 1 235 m d'altitude, au-dessus de la vallée de Lautenbach, mais sur le territoire de la commune de Linthal (?), d’après la plupart des renseignements glanés sur Internet (8). Pour les amateurs de GPS, les coordonnées exactes sont 48° 05′ 37″ N et 7° 22′ 59″ E.
La zone, qui comprend la chaume d’Oberlauchen et la source de la Lauch, est classée en ZNIEFF, zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique, sous la référence ZNIEFF 420030116, dans le cadre de l’INPN, Inventaire National du Patrimoine Naturel. Le dossier précise que :
Dénomination de « Lauch » :
Le dictionnaire allemand-français donne poireau pour la traduction de Lauch, mais ici, ça ne colle pas : il faut chercher ailleurs et autre chose !
L’encyclopédie Wikipédia propose une explication longue et détaillée à propos du nom « Lauch » : c’est du copier-coller, et un rien compliqué ! Il est dit d’abord que « l'origine du nom de la Lauch provient sans doute du celtique lu = eau et bi = petit et de l'allemand aha, eau ». Suit toute une série de noms relevés dans les archives haut-rhinoises, entre le 8ème et le 15ème siècle. En voici quelques-uns : Loffichia, Lovhaha, Loufaha, Löchahe, Löcha, Loucha, et on sent bien se dessiner le nom finalement retenu. Lauch serait une dénomination montagnarde assez particulière, issue de l’alsacien Lauchen. Et de préciser encore que « dans ce cas, il faut supposer le gallo-romain loch(ha), ou le vieil-alémanique lahha ou luhha, à l'origine de l'allemand das Loch ou die Lache, les deux proches du latin lacus, qui a engendré le mot français lac. Le premier sens indo-européen, présent en gaulois, germanique ou même en latin, signifie le trou, la fosse, éventuellement rempli(e) d'eau ».
La conclusion ne manque pas d’intérêt : « Les peuplades gauloises considéraient probablement ce dernier lieu montagnard comme la naissance sacrée de la rivière. D'où l'interprétation alémanique en eau du lac ou "Lochaha", bien observable au milieu du Moyen-âge. Le grand versant au soleil, constellé de chaumes dès l'antiquité, en a gardé de multiples traces dans sa toponymie ».
Le cours de la Lauch :
En aval du lac, la Lauch est un torrent fougueux qui coule d'ouest en est, constituant la limite entre les communes de Linthal, puis de Lautenbachzell au sud et Lautenbach au nord. Elle reçoit toute une série de petits affluents montagnards aux noms compliqués, venant les uns du versant méridional du Petit Ballon avant d'emprunter la vallée de Linthal, et les autres de la crête du Grand Ballon et du lac du Ballon.
Le secteur vosgien de la Lauch, estimé à 17 km seulement, est le plus court de tous les affluents de l’Ill : cela explique qu’il a su garder une relative propreté jusqu’à sa sortie dans la plaine.
Après le franchissement de la vallée rétrécie puis étranglée de Guebwiller, entre 290 m et 270 m d'altitude, elle prend progressivement la direction du nord. Elle est canalisée en arrivant vers Colmar afin de passer sous une voie rapide, puis sous une voie ferrée, et se jette finalement dans l'Ill entre Colmar et Horbourg.
Il faut aussi évoquer son passage en la capitale haut-rhinoise, avec la « Petite Venise », qui est le nom donné au cours de la Lauch à Colmar. Ce nom provient sans doute de l’alignement original des maisons de part et d’autre de la rivière qui dessert le sud-est de la ville. Ce quartier commence derrière le Koïffhus, passe par le Quai de la Poissonnerie, pour aller jusqu’aux ponts Turenne et Saint-Pierre. Il se trouve donc au début de la Krutenau, dont l’étymologie désigne des lieux de cultures maraîchères aux abords des villes. Habitée à l’origine par une communauté rurale de vignerons, maraîchers et bateliers, la Krutenau s’étend autour de la rue Turenne, que le maréchal emprunta en 1674 pour son entrée triomphale dans la ville. En période estivale, des promenades en barque sont possibles dans ce secteur.
La Lauch a une longueur totale de 50 km, pour un bassin de 390 km². À titre de comparaison, la Thur a une longueur de 60 km pour 262 km² de bassin, et la Doller 47 km pour une superficie de bassin de 215 km². Les débits moyens de ces trois rivières sont respectivement de 2,8 m3/s pour la Lauch (endroit non précisé) mais seulement 1,63 m3/s à Buhl, de 6,32 m3/s pour la Thur à Staffelfelden et de 4,25 m3/s pour la Doller à Reiningue.
Le contexte hydrologique :
Malgré son débit assez faible, la Lauch peut se déchaîner et déverser sur la vallée son flot de mauvaise humeur : la mémoire collective et les archives gardent le souvenir de ses débordements, même après la construction du barrage au lac de la Lauch. Les dernières crues catastrophiques ont eu lieu en 1919, 1947, 1955, 1983 et 1990 ; cette dernière reste la crue centennale de référence. Ajoutons que « la Lauch, comme la Thur et la Doller (la Fecht aussi), se caractérise par un régime pluvio-océanique et ses crues sont rapides. L'étroitesse de la vallée, la pente et la fonte brutale des neiges du fait d'un phénomène de foehn, conjuguées à une pluie intense, engendrent ici des crues de type quasi-torrentielles ».
Plus précisément, comme le note le Plan de Prévention des Risques Inondation (PPRI) du Versant de la Lauch, « les inondations ont lieu essentiellement en période hivernale et printanière, suite à des pluies abondantes, parfois associées à la fonte du manteau neigeux. La Lauch est un cours d’eau qui peut présenter un caractère torrentiel jusqu’à Guebwiller, avec des crues rapides et violentes. À l’aval d'Issenheim, la pente diminue fortement et les inondations prennent un caractère de plaine.
Dans la partie vosgienne, la Lauch et ses affluents charrient un débit solide important en période de crue (blocs, galets) qui peut se déposer dans le lit mineur et est susceptible de diminuer fortement la capacité d’écoulement. Cette caractéristique de la rivière peut conduire à engendrer de graves dégâts, comme la destruction totale d'une maison d'habitation à Linthal, et de la départementale 430 en amont de Buhl, lors de la crue de 1990.
La Lauch est une rivière largement aménagée du fait de l'occupation humaine de la vallée. Le lit mineur a été rectifié, notamment dans la traversée de Guebwiller, de nombreux seuils ont été construits, les zones inondables naturelles ont été en partie amputées. Au débouché dans la plaine, des digues contiennent l'expansion des champs d'inondation à Issenheim et Merxheim. C'est l'une de ces digues qui a été submergée lors de la crue de 1990, entraînant l'inondation de tout le centre de Merxheim. À partir de l'aval de Merxheim, la Lauch s'épand largement dans son champ d'inondation naturel, qui a été relativement bien préservé jusqu'à Herrlisheim ».
Conclusion :
Au final, et en l’absence de renseignements précis sur son origine, je propose en guise de courte synthèse :
La Lauch est la rivière de la vallée de Guebwiller, petite par sa longueur et aussi par son débit. Elle est issue de plusieurs sources sur le versant oriental des hautes Vosges, entre 1 000 et 1 200 m d’altitude, en contrebas du Markstein, du Steinlebach, du Breitfirst et du Lauchenkopf. La véritable Lauch coule en aval du lac de même nom : le torrent, qui dévale la montagne d’Ouest en Est jusqu’après Guebwiller, se transforme alors en une rivière de plaine, qui coule vers le nord jusqu’à sa confluence avec l’Ill, non loin de Colmar.
Textes et photos : Pierre Brunner, juin 2016 (sauf photo Colmar Tourisme).
Notes :
Sources :
COMPLÉMENT :
François J, un lecteur fidèle, attentif et passionné, m’a envoyé les précisions suivantes, que je ne suis pas assez spécialiste (pas du tout, même) pour apprécier à leur juste valeur : je me contente donc de les publier intégralement, avec son accord naturellement.
« Suite à mon précédent message concernant votre excellente étude des sources de la Lauch, je me permets de compléter mon commentaire. Grace à Géoportail (https://www.geoportail.gouv.fr/carte) il est possible de superposer plusieurs cartes. Il est intéressant de comparer la carte topographique de la région du lac de la Lauch avec la carte d’état-major (1820-1866), en superposant la carte du réseau hydrographique et des limites administratives (Il faut faire : Données thématiques – Territoires et transports – Description du territoire).
En faisant abstraction d’un petit décalage vers le nord de la carte d’état-major, on peut remarquer plusieurs choses :
Alors que le Lauchenbachrunz issu des points n°2 et 3 (sur votre carte sur la commune de Linthal) à l’est du Breitfirst n’est pas représenté, il semble bien dessiné sur la carte d’état-major. Ce dernier point m’incite à penser qu’à cette époque, la source de la Lauch était plutôt attribuée à cette source vers 1150m d’altitude au sud du Breitfirst. J’ai recherché le nom attribué au ruisseau issu de cette source, sans succès peut-être parce que c’est simplement la Lauch. Ceci n'enlève rien à la qualité de votre document. Je crois qu'il faut encore rester vague sur la position de la (des) source(s) de la Lauch en disant qu'elles sont multiples et se trouvent sur les pentes Sud ou/et Est du Breitfirst.
Très cordialement, François, 09/02/2017 »