4.- LE POSTE D’OBSERVATION
Il faut monter au site du Herrenfluh par le chemin du même nom, à partir de la route D 431, pour découvrir cet ouvrage militaire, qui est dans un état de conservation exceptionnel : un poste d’observation pour l’artillerie française, qui fut utilisé au début de la Première Guerre Mondiale, lors des combats qui se sont déroulés sur la toute proche montagne du HWK, Hartmannswillerkopf, longtemps appelée « Vieil Armand » par ceux que les noms originels rebutent, surtout quand ils ont une consonance germanique.
4a.- LA SITUATION EN 1914
Rappelons d’abord que, en 1914, l’Empire allemand s’étendait à l’Alsace-Lorraine, la frontière entre les deux pays passant chez nous par les crêtes vosgiennes, lesquelles sont aussi ligne de partage des eaux. En effet, l’Alsace-Lorraine fut le territoire cédé par la France à l'Allemagne en application du traité de Francfort, signé le 10 mai 1871, après la défaite française. En particulier, et pour ce qui nous concerne, ce traité amputait l’ancien territoire français de cinq sixièmes du département du Haut-Rhin (seul ce qui est devenu ensuite le Territoire de Belfort échappait à l’annexion) et de l'intégralité du Bas-Rhin ; Cernay, Uffholtz, le Hartmannswillerkopf et le Herrenfluh faisaient donc partie intégrante de l’Empire allemand.
En Alsace, les tensions sont fortes en 1914, et si certains hommes sont enrôlés dans l’armée allemande, d’autres se retrouvent dans l’armée française. Le Hartmannswillerkopf (abréviations : HWK ou HK) sera une bataille particulièrement difficile et sanglante : surnommée « la mangeuse d’hommes », elle ne fera pas moins de 30 000 victimes et 100 000 blessés (estimations totales pour les deux pays) entre janvier 1915 et janvier 1916, sera la plus longue et la plus terrible des batailles en Alsace, et une des plus meurtrières en France durant le conflit. On admet aujourd’hui que cette bataille de positions ne rimait à rien : on gagnait de petits territoires mètre après mètre, qui étaient pour la plupart repris quelques temps après. Au final, les positions étaient statiques, on s’enlisait de chaque côté, et les cadavres de soldats pourrissaient partout, dans les tranchées et sur les barbelés.
Voici le contexte local : au tout début de la Première Guerre mondiale, le plan français prévoit une offensive par le sud de l’Alsace. Les troupes françaises obtiennent de rapides succès et parviennent à conquérir Mulhouse. Mais, après les défaites en Lorraine, les Français se replient et abandonnent définitivement cette ville. Le front en Alsace se stabilise ensuite pour le restant de la guerre sur une ligne Pfetterhouse - Altkirch - Thann - Hartmannswillerkopf - Munster - Col du Linge - Col du Bonhomme. À partir du mois de décembre 1914, l'armée française commence à s’intéresser au HWK qui, par sa position avancée dans la plaine d’Alsace et sa situation sur la ligne de front, constitue un excellent observatoire à partir duquel on peut aisément surveiller la plaine de Cernay à Rouffach, et jusqu’à Mulhouse.
4b.- LE HARTMANNSWILLERKOPF
Le cadre est donc bien posé : le HWK, altitude 957 m, est désormais situé sur la ligne de front, et il pourrait devenir un excellent observatoire. En janvier 1915, le sommet du HWK est aux mains des Allemands, alors que les deux camps comptent déjà plus de mille morts, et ce n’est que le début ! Dès lors, les deux parties consolident leurs positions respectives : des abris sont taillés dans la roche, des dépôts de munitions et des postes de secours sont érigés. Français et Allemands construisent aussi des routes d’accès au champ de bataille ; les premiers font appel aux ânes et aux mulets, les seconds construisent deux téléphériques pour faciliter le ravitaillement des premières lignes. Tout ceci démontre la grande importance qui était alors accordée au Hartmannswillerkopf.
Trois précisions encore, pour montrer l’âpreté des combats en 1915 :
Pour simplifier à l’extrême, on peut dire que les Français occupaient les versants Sud et Ouest du Hartmannswillerkopf, et les Allemands les flancs Nord et Est. Mais avant d’évoquer le poste d’observation au Herrenfluh, il faut parler du Camp Turenne, anciennement appelé Thomannsplatz (1).
4c.- LE CAMP TURENNE
Bien connu des randonneurs et vététistes, le Camp Turenne est un carrefour où se rejoignent pas moins de huit chemins venant de toutes les directions. Aujourd’hui, il est impossible d’imaginer ce qu’a été ce lieu pendant la Première Guerre mondiale. À partir de fin octobre 1914, le Camp Turenne, avec son observatoire du Rocher d’Ostein, devient une position stratégique dans le dispositif militaire français. En décembre, le commandant Collardelle y installe son PC, et c’est de là que sont préparées les attaques vers Steinbach et la Cote 425.
Le camp Turenne devient une base logistique où transite une bonne partie des approvisionnements en vivres et en munitions pour le secteur du Vieil-Armand. Le poste de secours qui s’y trouve devient ambulance puis hôpital chirurgical avec 24, puis 80 lits pour malades intransportables. Construit en dur à flanc de colline, il est protégé des bombardements. Une cuisine avec deux unités roulantes - dont une produisant de l’eau chaude en continu -, un dortoir à deux étages pour le personnel médical et un abri pour les mulets sont installés. L’hôpital ne peut sauver tous les blessés et un cimetière de 138 emplacements est aménagé. Un chiffre donne une idée de l’activité du site : pendant les combats du 21 décembre 1915 au 2 janvier 1916, 2 700 blessés y transitent.
Après cette bataille, le quartier général de la 66e division d’infanterie va encore développer le potentiel du Camp Turenne en envoyant 1 200 civils élargir les chemins et améliorer les liaisons, qui se font par mulet ou voiture à bœufs. On peut ajouter à ces aménagements quelques entrepôts et plusieurs dizaines d’abris pour le cantonnement de plusieurs centaines de soldats.
Le 9 août 1915, Raymond Poincaré, président de la République, est en visite sur le front. En compagnie du général Serret, le « grand patron » des opérations militaires en Alsace, il déjeune au Camp Turenne pendant que la fanfare du 6ème régiment de chasseurs joue plusieurs morceaux, tout cela quasiment à la barbe des Allemands. En octobre 1916, est mis en fonction un téléphérique supporté par onze pylônes, avec deux bennes pouvant transporter 300 kg chacune, sur une longueur de 1 300 m. Il partait du vallon du Baerenthal à Willer-sur-Thur (559 m d’altitude) pour aboutir à une plateforme de déchargement 350 m plus haut, au Camp Turenne donc : 40 à 80 tonnes de marchandises pouvaient ainsi être acheminées chaque jour. Mais cette remarquable installation arrivait bien tardivement : depuis le début de l’année 1916, et jusqu’à la fin de la guerre, la situation au HWK était devenue nettement plus calme, bien que les harcèlements mutuels continuaient de faire presque quotidiennement de nouvelles victimes.
À partir de 1917, l’hôpital du Camp Turenne traite plusieurs dizaines de soldats atteints par le gaz ypérite (ou gaz moutarde), le personnel ayant été spécialement formé. On organise des exercices avec tous les soldats du secteur pour les entraîner au port du masque à gaz, dans une véritable chambre à gaz installée dans les environs du camp. Un des plus importants centraux téléphoniques du secteur est également installé au Camp Turenne. Après la guerre, les corps enterrés au Camp Turenne sont évacués dans des nécropoles nationales des alentours, mais une stèle et un drapeau rappellent le souvenir de cet ancien cimetière. Et de cet incroyable complexe militaire logistique et sanitaire, il ne reste aujourd’hui que les chemins élargis, quelques pans de murs et des éboulis de pierre un peu partout…
4d.- L’OBSERVATOIRE DU HERRENFLUH
On l’aura compris, un observatoire situé à proximité du HWK était essentiel à l’armée française : relativement abrité, lui seul permettait d’observer les tranchées allemandes sur la montagne ; lui seul permettait de surveiller les routes reliant les villes, villages et hameaux (alors allemands) situés en contrebas, et qui étaient, du nord au sud : Soultz, Jungholtz, Wuenheim, Ollwiller (3), Hartmannswiller (2), Bertschwiller (3), Berrwiller, Hirtzstein (3), Wattwiller, Uffholtz, Cernay et Sandozwiller (3) ; de surveiller les gares de Cernay, Wittelsheim et surtout Bollwiller, d’où partait la voie ferrée montant vers Guebwiller et la vallée de la Lauch ; et de repérer les canons allemands cachés un peu partout, et notamment dans la forêt du Nonnenbruch, où se trouvaient les pièces les plus dangereuses.
Fin janvier 1915, les deux jeunes aspirants (4) Martin et Jacquard reçoivent l’ordre, avec quatre officiers du 8è RAP (régiment d’artillerie à pied), de quitter le camp retranché d’Épinal et de gagner le front d’Alsace, où ils sont affectés à l’observatoire de Herrenfluh. Ils passent en camion par le Bussang enneigé, descendent jusqu’à Willer-sur-Thur (toute la vallée de la Thur est contrôlée par les Français), et grimpent enfin, à pied, jusqu’au col de Pastetenplatz, où se trouve leur « cagna » (5), en fait une simple cabane en bois. Ainsi commence une aventure étonnante et peu connue. Après une nuit sur la paille, réveil à 5 heures, et le groupe se met en marche vers l’observatoire de Herrenfluh. Au bout d’une heure et demie de progression pénible dans la neige, sur les sentiers en corniche du Glaserberg, ils arrivent au pied du rocher portant les ruines du château féodal, et de là découvrent le Hartmannswillerkopf. Puis ils descendent jusqu’au poste de commandement de la section du RAM, régiment d’artillerie de montagne, qui leur servira d’abri pour l’observation, en attendant mieux. « C’est un trou de 2 mètres carrés, profond de 1,50 m environ, raconte l’aspirant Martin, couvert de gros rondins et de pierres. Trois ou quatre marches glissantes, 2 embrasures pour voir le paysage, de la paille au fond du trou pour avoir moins froid aux pieds, voilà tout ». Juste quelques mètres en-dessous, deux petits mortiers crachent des obus explosifs sur des maisons de Wattwiller, pour tenter de détruire une mitrailleuse allemande. Plus tard, les observateurs du Herrenfluh auront droit à leur propre abri. « Je choisis l’emplacement contre un énorme rocher, qui nous protégera des coups venant du nord-est », précise l’aspirant Martin. Car les Allemands bombardent sans répit les pentes du Herrenfluh !
Quant aux gros canons français, ils sont de l’autre côté, dans la vallée de Thann. Entre le Pastetenplatz, l’observatoire du Herrenfluh et le Central Artillerie de Willer-sur-Thur, les liaisons se font par téléphone, grâce au central installé au Camp Turenne. Mais les lignes sont souvent défectueuses ! Pour tirer sur un abri allemand de la cote 425, au-dessus de Steinbach, ou tenter de détruire la redoutable batterie allemande qui se trouve contre le mur du cimetière de Berrwiller, il faut commencer par estimer l’angle de tir, au moyen des jumelles d’artilleur ; puis communiquer ce réglage par téléphone aux artilleurs, dans la vallée de Thann ; et attendre que le premier obus passe au-dessus des têtes françaises, avant d’observer le résultat, en contrebas. De nombreuses corrections sont nécessaires, et il faut souvent une dizaine d’obus pour atteindre un objectif. Ou au moins pour le réduire au silence durant quelques heures, voire jusqu’au lendemain. « Lorsque les obus français filent ensemble, par trois ou quatre, au-dessus de notre montagne, on dirait d’une rumeur d’orage dans les nuées », écrit le jeune artilleur. Mais, parfois, les obus français, réglés trop court, tombent sur les tranchées françaises, et les effets provoqués par ces erreurs, évidemment involontaires, sont catastrophiques… Chaque soir, il faut rentrer dormir sur la paille à Pastetenplatz, et chaque matin, repartir au Herrenfluh, dans ce que l’aspirant Henri Martin appelle « l’observatoire alpin ». Trois heures de marche, pour une bonne dizaine d’heures d’observation, qui vont bientôt (en fait, il leur faudra attendre trois mois !) se dérouler dans leur nouvel abri du Herrenfluh, « derrière le rocher », encore en construction. Le seul moyen de repérer les batteries allemandes, c’est de regarder au bon moment et au bon endroit : chaque tir déclenche en effet une brève et courte fumerole ! Avec un peu de chance, si le fil du téléphone n’est pas coupé, on peut transmettre les coordonnées du canon ennemi à Central Artillerie : lorsqu’une batterie est prête et approvisionnée en munitions, le tir y est rapidement ordonné.
Lorsque le fil du téléphone est coupé, ce qui arrive souvent avec un éclat d’obus ou par la chute d’une branche, un soldat sort du poste d’observation, pour réparer le fil au plus vite. Depuis le poste, les observateurs notent tout ce qu’ils voient, entendent et mesurent. Exemple de ce jeudi 4 février 1915 : « 11h25 : deux pièces allemandes de 105 (6) sont en action près du cimetière de Berrwiller. 11h40 : nos 155 (6) longs de Goldbach tirent sur cette batterie. Premières salves à l’explosif, non vues. Tir interrompu par une nouvelle rupture de notre fil téléphonique. 13h20 : batterie de 77 (6) aperçue en action dans Bertschwiller. Coordonnées approximatives : x=56100, y=63500. 14h30 : les 105 de Berrwiller nous bombardent violemment, très bien en direction. (…) Un obus explose au-dessus de nous, et coupe la pointe du sapin auquel sont accrochés nos équipements. L’étui à jumelle est percé, mon étui à révolver incrusté d’éclats, et mon ceinturon presque coupé ».
L’aspirant Martin détaille la construction du nouvel équipement au Herrenfluh, qui comprendra trois parties : un observatoire, un boyau de communication, et un abri blindé, le tout en utilisant les dispositions naturelles du terrain. L’observatoire devra être enterré, et aussi confortable que possible ; il devra être muni de visières d’observation, et rendu extérieurement invisible de l’ennemi (même de ses aéronefs), au moyen de branchages et de gazons. L’abri blindé devra pouvoir résister à un bombardement et permettre le couchage d’au moins deux hommes ; durant les années suivantes, les Français ont même réussi à creuser dans le roc un abri recouvert de rails. Quant au boyau de communication, il demandera une construction moins soignée.
Le jeune observateur-artilleur est un privilégié. Pendant que les soldats se font hachés menus par milliers sur les pentes et au sommet du HWK, lui, bien à l’abri dans sa « cagna » de Pastetenplatz, écrit à ses parents : « Je vous envoie quelques fougères. J’ai trouvé de l’ellébore dans les rochers. Je compare ma vie à celle des montagnards de L’Invasion, d’Erckmann-Chatrian. Ici l’on apprend à se cacher, à ramper, à marcher la nuit, à s’abriter comme on peut. Et cela vous émoustille, vraiment. Je ne vous dirai pas où je suis, parce que les noms des lieux sont abracadabrants et que, surtout, je n’ai pas le droit de les dire. Le pays est admirable, avec ses montagnes couvertes de sapins, ses vallées encaissées, ses sentiers où deux hommes ont peine à passer de front, ses énormes rochers escarpés couverts d’ellébore, de fougères, de groseilliers épineux. Comme il fera bon ici au mois de mars, dans une verdure jeune, avec le vent sifflant dans les branches. La plaine, monotone à première vue, est d’une réelle beauté. Quelles richesses de toutes sortes ! Les villages gais et propres se touchent, entourés de vergers, de vignes, de saules nombreux qui font des taches rouges dans les champs. Des bras de rivière scintillent dans les prés. » Et le jeune homme d’ajouter, quand même : « Quel dommage de détruire toutes ces richesses à coups de canon ! ». Concernant sa mission, il dit simplement à sa famille : « J’occupe un poste admirable, d’où je vois tout ce qui se passe dans le secteur. Ma mission est de regarder et de signaler tout ce que je vois, tout ce qui remue jusqu’à l’horizon. Il faut y regarder de près pour savoir où sont les batteries allemandes. Une légère et fugitive fumée, au loin, sur les bois ou dans les vergers, et à la nuit tombante, des lueurs : c’est tout. »
La guerre n’est évidemment jamais la même pour tous les militaires… Mais le général Marcel Serret, qui commandait par intérim et avec le grade de général de brigade, la 66e Division d'Infanterie de Montagne au Hartmannswillerkopf, n’a pas été épargné. Le 28 décembre 1915, il se produisit une grande attaque sur le HWK, et le jour suivant l'ambulance 3/58 à Moosch accueillit le général Serret, grièvement blessé par un éclat d’obus au genou. Un chirurgien de l'ambulance pratiqua l'amputation mais celle-ci ne sembla pas faite assez haut, car la gangrène continua de progresser. Il fallut réopérer, mais il était déjà trop tard, et le général décéda le 6 janvier 1916. Il fut inhumé à la Nécropole nationale de Moosch, parmi 592 soldats tués dans les combats des Vosges. L'ancien tribunal cantonal de Saint-Amarin, transformé en ambulance militaire durant la Première Guerre mondiale, est devenu le musée Serret. Marcel Serret est l'un des 42 généraux français morts au combat durant la Première Guerre mondiale.
La construction du nouvel abri avance, mais très lentement. Le 20 février, le jeune aspirant note dans son rapport : « Il me paraît absolument nécessaire que le poste d’observation d’Herrenfluh soit doté, le plus tôt possible, de jumelles ou d’une lunette de batterie ». Pour ses observations, il ne dispose en effet que de jumelles prêtées par un officier d’artillerie de montagne. L’armée française tisse parfois des mystères incompréhensibles…
Quelques jours plus tard, dans un courrier, il écrit : « Nous avons construit un abri formidable, dans les rochers. Tous les 105 du monde peuvent frapper sur la roche ou fuser dans les ramures, on les écoute avec un plaisir pareil à celui du voyageur bien abrité de la pluie qui fouette sur un toit. Nous avons un petit fourneau qui réchauffe nos repas froids, et, s’il faut passer la nuit dans ce blockhaus, nous nous ferons avec des planches un lit que nous remplirons de paille. Je me plais beaucoup ici. Il flotte un parfum de printemps, l’alouette lulu chante, il fait doux, souvent, et l’air de la montagne est si pur, comme le ciel ! Quand luit le soleil, on se sent vivre, sur ces hauteurs vertes et parfumées, au grand vent qui chante dans les sapinières. »
Mais l’aspirant Martin ne profitera pas longtemps de ce refuge : il va ensuite passer un mois dans un minuscule poste d’observation, presque en première ligne, juste au-dessus du col de Silberloch : nullement privilégié cette fois, il sera alors très proche des combats les plus féroces ! À la fin du mois de mars, cependant, il reçoit son ordre de retrait de l’Hartmannswillerkopf, demandé pour lui par « un bienveillant major » de Bitschwiller ; il est alors affecté à Kruth, dans la haute vallée de la Thur, au commandement d’un obusier de 155 (7). Et aucune autre chronique ne parle plus de l’observatoire du Herrenfluh, jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale.
Sources :
Notes :
L’ancien poste de commandement de la section du RAM, qui servit de premier abri d’observation pour l’artillerie française. Ces ruines, vues depuis la tranchée qui permettait un accès relativement à couvert, n’ont rien à voir avec le dessin de l’aspirant Martin, le poste ayant été plusieurs fois bombardé, détruit et reconstruit. (Photo P.BR. 2016)
Un peu en contrebas du poste RAM, le nouvel abri « dans le rocher » et sa visière d’observation Est, avec son rail de couverture : résolument indestructible ! (Photo P.BR. 2016)
L’entrée du nouvel abri « dans le rocher », discrète et donc parfaitement invisible de l’ennemi et de ses aéronefs. (Photo P.BR. 2016)
L’intérieur de l’abri, blindé et construit après 1916 : deux soldats pouvaient y vivre. Au fond, le début du boyau de communication avec l’observatoire. (Photo P.BR. 2016)
5.- EN GUISE DE POSTFACE…
« Gens d’Uffholtz et d’ailleurs, écoutez le passé de ce village. Mais prenez garde, parfois les histoires vraies et les légendes s’entremêlent.... »
« Le Herrenfluh est ce tronçon de tour qui s’élève à 452 mètres au-dessus du niveau de la plaine, dans la forêt communale d’Uffholtz. Son isolement, à l’extrémité la plus avancée d’un rocher à pic de plus de 30 mètres de hauteur, en rend l’accès d’un côté assez difficile, tandis que de l’autre côté, un chemin, jadis carrossable si l’on s’en rapporte à son nom de Kutsche Schleiffen, conduit par une pente douce jusqu’au rocher.
Une tradition rapporte qu’on correspondait de château à château, au moyen de trompes, du Herrenfluh au Hagenbach et au Hirtzenstein. La montagne devait être bruyante, à cette époque !
L’histoire sait peu de chose de ce manoir : il fut construit au milieu des domaines de l’abbaye de Murbach par Jean de Saint-Amarin, surnommé le Vent du Nord (Nord-Wind), qui en reçut l’investiture en 1312. Ne croyant pas son droit suffisamment établi, en raison des contestations qui s’étaient élevées entre les Ferrette-Murbach et leurs sous-feudataires, Jean de Saint-Amarin se fit délivrer la même année par Ulrich de Ferrette, une nouvelle investiture, avec réserve de retour à l’abbaye en cas de décès sans enfants.
On raconte aussi cette légende de la demoiselle du Herrenfluh :
Depuis fort longtemps, ce château est habité par le génie des ruines ; souvent, il descend de la montagne sous la forme d’une jeune fille brandissant les clés de sa tourelle. Le pâtre de la vallée l’a mainte fois vue gravir la montagne ; souvent, sa mélodie plaintive arrive aux oreilles du chasseur attardé ; souvent l’air retentit d’un son argentin : c’est le bruit que font les clés lorsque la Schloss-Wibele, désespérée de ne pas trouver un libérateur, les jette sur le coffre renfermant ses trésors. A celui qui pourra dissiper le charme, appartiendront le cœur et la fortune de la châtelaine. Ah ! combien ne rapportent de la montagne qu’un bouquet d’églantines et de groseilliers sauvages.
Pour libérer cette jeune fille, cette « dame blanche » condamnée à errer pour l’éternité, il faut réussir à lui prendre ses clés, juste au moment où elle les jette sur son coffre, avant de se transformer en dragon. Qui la délivrera ? »
Lecture de la douzième Fenêtre du Festival 2007 « Les Fenêtres de l’Avent » d’Uffholtz : texte écrit et arrangé par Geneviève Candau.
Source : Gabriel Gravier, « Légendes d’Alsace, Tome II », Coll. du Mouton Bleu, Belfort (1987).
Merci !
Merci à Serge : en me prêtant le « (…) Journal de guerre » du lieutenant Henri Martin, il m’a donné envie de faire des recherches sur le Herrenfluh.
Merci à Cédric, qui m’accompagne parfois dans mes randonnées et est venu avec moi à la découverte du Herrenfluh.
Un merci particulier à Béatrice, qui a bien voulu relire et corriger mes textes, avec toute l’attention requise.
Et bien sûr merci à celles et ceux qui auront à cœur de transmettre cette petite étude à leurs amis et connaissances.